Pour la énième fois, j’enfilai ma tenue protectrice, vérifiai le bon fonctionnement des modules de vol et des champs d’énergie de protection, puis repartis en exploration. Il me fallait trouver au moins un couple d’abeilles tropicales et quelques bûches de bois magique pour mes futures créations. Je ne parvins à rien obtenir de tout ça. Je passai trois jours dans la jungle, cherchant sans relâche, sans pouvoir trouver quoi que ce soit.
Désespéré, il ne semblait y avoir aucune autre solution que le passage dans un nouveau monde. Mais je ne voulais pas repartir de zéro, renonçant à mes outils, mon armure et mes ressources. Je disposais à présent de milliers de lingots de fer et d’or, en plus d’un peu de cuivre et d’étain. Dans une pièce au sous-sol aménagée à cet effet, j’avais planté des buissons spéciaux capables de produires des baies métalliques. Quand je faisais cuire ces baies, j’obtenais des pépites du métal correspondant, que je pouvais recombiner en lingots. J’ai vite installé une machine pour récolter les baies quand elles étaient matures et programmé mon système matière/énergie pour qu’il traite automatiquement les baies, les envoyant dans un four pour leur conversion en pépites. J’avais travaillé fort pour mettre tout ça en place. Ce n’était pas parfait, mais je voulais continuer avec ça plutôt que tout recommencer.
J’ai aussi travaillé longtemps pour construire un système de production d’énergie. D’abord j’ai construit un appareil permettant de brûler de la matière inutile. Les résidus produits peuvent être envoyés dans une autre machine capable, avec l’aide d’énergie, de produire de la matière universelle qui peut être convertie en d’autres choses. En combinant cette matière universelle et de la pierre lumineuse, j’ai obtenu un nouveau matériau, le sunnarium. Ce nouvel élément permet de capter une plus grande portion de la lumière solaire. De plus, en combinant le sunnarium et de l’uranium, j’ai obtenu un matériau irradié permettant de produire une faible quantité d’énergie même en l’absence de soleil. Ces panneaux solaires avancés se sont avérés très utiles pour augmenter ma production d’énergie.
J’ai aussi mis en place une machine coupant les arbres matures et récoltant le bois et les pousses. Un système de tuyaux envoyait les pousses dans une machine les replantant et une partie du bois dans des fours électriques pour en obtenir du charbon. Le charbon servait à son tour à faire bouillir de l’eau. La vapeur obtenue est envoyée dans un four traitant encore plus de bois ainsi que dans des moteurs et une turbine produisant de l’électricité.
J’avais eu vent d’un ancien rituel permettant d’invoquer un dieu ou une déesse de mon choix pour exaucer un souhait. Pour accomplir ce rituel, j’aurais besoin de construire une plateforme de 25 mètres carrés en briques du Nether. À chaque coin, je dressai un totem en empilant trois blocs d’obsidienne. La chose faite, je plaçai un bloc de roche rouge au centre de mon autel sacrificiel et y allumai un feu. La roche rouge permet de faire durer le feu indéfiniment.
En utilisant des planches de bois et une roche magnétique rouge qui permet de produire un faible courant électrique, je me confectionnai des blocs capables de produire des notes. Je mis en place un ordinateur capable d’émettre vers les blocs musicaux, puis passai une journée à programmer la machine pour qu’elle émette un son rhythmique. Voilà ce qui permettrait de produire une musique rituelle nécessaire pour invoquer les dieux.
Lorsque je crus que tout était fin prêt, je me rendis compte que j’avais oublié une étape: frapper les totems d’une plaque de bois identifiant le dieu à invoquer. En théorie, je pouvais invoquer quatre dieux différents, en nommant chaque totem individuellement. Non, ce serait trop dangereux, car les dieux peuvent entrer en conflit entre eux et s’entre-déchirer. Je choisis donc une seule déesse: Ardnas, la Créatrice, celle qui soutient l’ombre et la lumière, permet l’existence du gazon et des animaux et unit le monde de la surface avec certains autres âges et dimensions.
Utilisant une feuille de papier, j’inscrivis mon souhait: déplacer ma base vers un monde neuf, regorgeant de nouvelles ressources et peuplé de nouvelles créatures. Puis je jetai ça au feu. Rien ne se passa. Que manque-t-il donc? Ou bien est-ce que ce rituel n’est qu’une stupide farce? Ah, oui, je sais: le sacrifice. Il faut jeter dans le feu un animal ou un ennemi.
J’allai me chercher un cochon dans mon enclos, le capturant avec un filet, puis je le relâchai dans le feu. L’animal poussa un cri et mourrut. C’est alors qu’un épouvantable coup de tonnerre se fit entendre. Tout sembla disparaître dans un éblouissant kaléidoscope de couleurs, puis tout devint blanc.
Lorsque je repris mes esprits, apparemment rien n’avait changé. Mon autel était disparu, mais à part ça, la base était là et autour de moi, le paysage était le même. Un peu déçu, je retournai à la base pour constater des dégâts considérables. Tout le câblage électrique alimentant mes machines en énergie avait été détruit. Les panneaux solaires avancés étaient disparus, réduisant l’apport en énergie de façon significative. Mon système de production de bois pour obtenir du charbon destiné à mon brûleur à vapeur était paralysé. La salle de magie était entièrement détruite et tous les livres de liaison étaient disparus!
J’ai passé des jours à tout réparer, tout reconstruire. Un moment donné, j’ai trouvé une page dans un coffre. La déesse Ardnas m’avait répondu et apparemment exaucé… partiellement.
« Homme, je n’ai pas aimé ton sacrifice, parce que tu n’as fourni aucun effort pour obtenir ta proie. J’aurais mieux aimé que tu chasses ce cochon et l’amène avec des carrottes ou une corde plutôt que le transporter dans un filet magique. Mieux encore, tu aurais dû attendre la nuit qu’une créature hostile surgisse et attirer cette créature dans le feu, au péril de ta vie! En plus tu as utilisé des machines pour produire la musique rituelle tandis que j’aime beaucoup mieux qu’elle soit jouée par de vraies personnes. C’est pour cela que j’ai tout détruit les systèmes qu’il y a dans ta petite base. Tu passeras les prochaines semaines à tout essayer pour remettre en état et frustreras sans cesse, et peut-être un jour seras-tu effectivement obligé de déménager ton stock dans un nouveau monde. Mais au moins, tu auras ton nouveau monde. Regarde autour de toi: tout est là, tout est neuf. Va, et ne m’invoque plus, sinon je déchaînerai sur toi une colère destructrice! »
Malgré mes erreurs dans mon rituel, Ardnas a été plutôt clémente avec moi. Toute la terre autour de ma base était neuve, jeune, regorgeant de ressources. Il ne me fallut pas longtemps pour trouver des bûches magiques et de nouvelles rûches. Je ne sais pas si c’étaient des abeilles tropicales, mais il y avait un espoir.