L’esprit fêlé

Résolu, Donald s’avança vers la tour, y pénétra et gravit l’escalier menant au bureau de Blackinn, le magicien qu’on lui avait maintes fois recommandé et qu’il retournait voir pour une nouvelle consultation. C’était son dernier espoir, car Donald sentait de nouveau sa volonté faiblir, ses forces l’abandonner. Il frappa à la porte. D’abord, rien ne se passa, puis on entendit un épouvantable cri ensuite de quoi la porte vola en éclats! Donald fut ensuite violemment poussé par une main invisible et n’eut pas le temps de s’agripper à quoi que ce soit avant de perdre pied et dévaler l’escalier jusqu’au bas de la tour!

Sonné, il lui fallut quelques instants pour reprendre ses esprits. Tandis qu’il se demandait s’il pourrait se relever, le magicien descendit les marches à sa rencontre. Avant que Blackinn n’arrive à sa hauteur, Donald se rendit compte qu’il pouvait toujours bouger et qu’il ne semblait avoir rien de cassé. Il songea se lever et prendre ses jambes à son coup, mais il n’en eut pas le temps.

– Mon cher ami, mille excuses! J’étais en train d’expérimenter un nouveau sort et ça a un peu mal tourné.
– Mais d’où venait l’épouvantable cri que j’ai entendu derrière la porte? s’enquit Donald, inquiet.
– Ah, ne t’en fais pas! C’est un monstre d’un autre plan qui a hurlé, une créature inférieure sans importance. C’est mille fois préférable sacrifier ce genre de bêtes que des êtres humains, non?
– Vrai.
– Qu’es-tu venu chercher ici, mon pauvre ami. Ah tu es tout amoché, là. Laisse-moi te donner une potion pour te remettre un peu sur pied. Je dois en avoir quelques-unes en réserve.
– J’espère bien, si vous expérimentez des sorts aussi dangereux.
– Ah celui-là était presqu’inoffensif, tenta de rassurer Blackinn.

Inquiet, Donald ne voulait pas trop voir ce que Blackinn considérait comme offensif… Malgré une légère réticence, il remonta et pénétra dans le bureau du magicien, dévasté par une force apparemment hors du commun. « Ah va falloir tout refaire ici, quel carnage! » grommela-t-il en fouillant dans une armoire. Il en extirpa plusieurs fioles non identifiées, puis trouva enfin ce qu’il cherchait: une potion de régénération. Il la tendit à Donald qui la prit avec une légère pointe d’hésitation. « Ce n’est pas moi qui l’ai concoctée, si ça peut te rassurer. Ça vient d’un prêtre pas mal puissant de ma connaissance. Les magiciens excellent malheureusement pas en régénération. »

Donald prit la potion et se sentit beaucoup mieux.

– C’est mieux maintenant? demanda Blackinn.- Oui, merci, approuva Donald.
– Alors qu’est-ce qui t’amène ici?
– Hellora, la démone bleue.
– Elle a un nom maintenant, commenta Blackinn. Intéressant.
– Oui, elle en avait un à l’époque, mais j’essayais de l’oublier pour ne plus penser à elle.
– Oh, dis-moi pas que tu penses toujours à cette créature!
– Oui, j’y pense encore, avoua Donald, mais moins souvent. Le problème est que le bouclier qu’on a élaboré ensemble est de moins en moins efficace. On dirait qu’il prend de plus en plus d’énergie. Je me sens régulièrement fatigué. Et chaque fois que je marche près de gens, je dois me battre contre la tentation d’essayer de grimper sur leur dos.
– Ah oui? Curieux, ça, commenta Blackinn. Et j’imagine que tu penses aux réactions des gens qui subiraient pareil traitement, leur surprise, leur mécontentement.
– Oui. J’imagine que peut-être certains me laisseraient faire, d’autres crieraient au scandale, d’autres me feraient un sermon de tous les diables.
– En effet, approuva Blackinn. Alors tu veux que cessent toutes ces tentations parce que tu penses que c’est elles qui te grugent de l’énergie et provoquent la fatigue.
– Oui, c’est ça, approuva Donald. Si la fatigue passe pas, après ça, j’en serai à croire que j’ai perdu toute motivation à pratiquer mon métier. Mais je ne me sens pas assez en forme pour chercher un maître et apprendre un nouveau métier.
– Oui, je comprends parfaitement cela, compatit Blackinn. On va tenter de traiter cette fatigue ensemble. Je crois avoir une idée de ce qui se passe.
– Ah oui?
– Tu sais, Donald, expliqua Blackinn, la manipulation d’images mentales n’est pas une science exacte, pas parfaite du tout. Parfois les séquences trouvées fonctionnent un bout et puis se brisent. D’autres fois, elles ont des effets secondaires. D’autres fois encore, elles ne traitent que la surface des choses. C’est ici le cas, comme je m’en rends compte maintenant. La démone bleue semble avoir cassé quelque chose en toi, un peu comme un rouage d’une horloge. Tu devras peut-être, jour après jour, remettre ce petit rouage cassé à sa place. Est-ce que certaines personnes te tentent plus que d’autres? D’autres moins?
– Les enfants me tentent pas du tout, réfléchit Donald. Je suis trop lourd; ils pourraient pas me supporter. La dernière fois que j’ai vu mon frère, j’ai été très tenté. Il y a aussi Annie qui m’a fait bien souffrir.  Mais pourtant, aucune tentation quand j’ai marché près u forgeron. Ah oui, le chevalier Jeff, aussi, j’ai peur de même le toucher.
– Super! encouragea Blackinn. Si certaines personnes te tentent moins que d’autres, on peut utiliser ça comme palliatif. L’idée est de transformer l’image mentale des personnes que tu voudrais toucher pour incorporer des composantes de personnes qui te laissent indifférents. Quand tu sens que tu vas agripper ou monter sur le dos d’un passant, focalise ton esprit sur lui et pense au forgeron. Ton esprit n’a aucune idée de comment structurer l’image mentale du passant; guide-le en lui ajoutant des composantes du forgeron qui te rendront moins sensible à la tentation.
– Je pourrais aussi inclure des composantes de Jeff, suggéra Donald. Je le connais mieux et c’est vraiment une résistance que je ressens à le toucher, pas une simple indifférence.
– Jeff est pour toi un symbole d’autorité, expliqua Blackinn, parce qu’il est chevalier, serviteur du roi. N’utilise son image mentale qu’en dernier recours, si le reste échoue, parce que sinon tu vas altérer ton interaction avec la personne réelle. Avec une image plus faible, le correctif risque moins d’impacter l’interaction; il y aura moins de chances que l’autre, s’il t’aborde, se rende compte que tu as joué avec son image mentale.
– Et j’aurai à faire ça souvent? demanda Donald.
– Toute ta vie, répondit Blackinn, parfois plusieurs fois sur la même personne. L’esprit est un mécanisme têtu qui obéit pas aux ordres come un soldat. Cette non obéissance est aussi un précieux mécanisme de protection, sinon nous serions tous malléables et servirions des dieux ou des démons de façon inconditionnelle.
– Oui, mais si j’affrontais la démone bleue, est-ce que ça ne pourrait pas me renforcer et réparer le rouage cassé? proposa Donald.
– Peut-être, peut-être pas, répondit Blackinn.
– De toute façon, enchaîna Donald, la démone est disparue et ne revient plus.
– Ça je peux arranger ça. Je connais un rituel qui va nous permettre de l’invoquer, au lieu et au moment qui te conviennent. Tu devras procéder exactement comme avec le démon noir et après, on verra.
– Ok, approuva Donald. Je pense être prêt.
– Tu penses?
– Pas sûr, en fait, commença à douter Donald.
– C’est parfait que tu doutes, rassura Blackinn. Une épreuve n’en est une que lorsqu’il y a risque d’échec. Sinon, on se ment à soi-même et on gaspille son énergie dans une tâche triviale qui ne sert qu’à occulter de vrais problèmes.
– Alors on y va, dans ce cas! Je pense pas être plus prêt dans un mois qu’aujourd’hui. Où dois-je aller pour l’épreuve?
– La forêt juste derrière ma tour. Vas-y dans trois jours. Va au sud et atteins la clairière. La démone y apparaîtra. Demande-lui alors de te montrer où trouver des champignons semblables à ceux-ci. Elle voudra te faire monter sur son dos. Tu devras refuser et la suivre dans les bois. Ce sera dur, crois-moi, et elle te tentera maintes et maintes fois. Mais tu vas y arriver avec ce qu’on a appris.
– Parfait, Blackinn, je ferai ainsi, affirma Donald.
– Ne la laisse surtout pas t’emmener dans un autre plan, avertit Blackinn sur un ton sentencieux. Tu pourrais y rester coincé pour toujours!
– …
– Elle pourrait te faire croire qu’il y a de meilleurs champignons ailleurs que dans le plan matériel, expliqua Blackinn. Insiste en disant que tu as besoin de ça pour un rituel magique et que les plantes d’autres plans ont des propriétés non désirables. C’est très important, Donald, ne néglige pas ça; tout le reste pourrait ne plus rien servir si tu le fais.

Pendant les trois jours qui suivirent, Donald ressentit un mélange d’excitation, d’anxiété et de peur. Que se passerait-il s’il échouait contre la démone? Est-ce que cela ne briserait-il pas un autre rouage en lui? Et en cas de succès, Donald serait-il vraiment guéri ou aurait-il tout simplement gagné une stupide bataille inutile de plus? Confus, Donald se demanda s’il ne serait pas aussi bien laisser tomber cette épreuve et se résoudre à finir ses jours chez son frère, qui lui avait à quelques reprises offert de l’accueillir chez lui si jamais il ne pouvait plus vivre seul et travailler, accablé par la fatigue incessante.

Il n’y avait aucune alternative. Personne ne connaissait le fonctionnement de l’esprit humain, se rendait compte Donald. Personne ne soignait les blessures en utilisant des connaissances logiques sur l’esprit et le corps. On se contentait plutôt d’incanter, utilisant astucieusement les arcanes pour obtenir des effets d’une façon aussi inusitée qu’incompréhensible, ou on confiait le travail à des dieux aussi distants qu’intransigeants.

Les trois jours (et trois nuits) écoulés, Donald se rendit à la clairière et y attendit une heure, deux, trois, puis retourna à la tour de Blackinn, bredouille. La démone ne s’était pas montrée le bout du nez.

– Ah Donald, mon pauvre ami, salua Blackinn, dehors, en train de ramasser des plantes.
– Bonjour grand magicien, commença Donald. J’ai fait selon vos conseils, mais la démone n’est pas apparue.
– Normal, Donald, expliqua Blackinn. Mon rituel d’invocation a échoué. Ça ne m’arrive presque plus jamais, je ne suis pas fier de mon coup. Au dernier moment, un maudit oiseau fou a croassé et m’a fait sursauter! J’ai perdu ma concentration et tout le rituel est à refaire, et j’ai perdu des composantes matérielles que je vais devoir me procurer.
– C’est ça que vous êtes en train de ramasser? On a besoin de plantes pour invoquer un démon?
– Non, les composantes sont plus difficiles à trouver. Un marchand est supposé en avoir dans deux jours. Là je ramasse des plantes pour un sort expérimental. Je voudrais me construire une cage végétale capable de confiner des monstres et se reconstruire en cas de dommage. Les sorts de confinement demandent trop de concentration et je me fais vieux. Il faut que je trouve un moyen de rendre mes expérimentations moins dangereuses.
– Ah, je vois. Alors je tenterai mon coup dans deux jours. Mais je suis de moins en moins sûr d’y arriver. Je pense toujours à Hellora et j’ai envie de la laisser faire, monter sur son dos. Juste imaginer son corps contre le mien me fait sentir mieux.
– Ok, on va utiliser une petite ruse pas très recommandée pour contrôler ça. Donald, fais bien attention à ne pas abuser de ça. Nomme-moi quelque chose que tu es incapable de faire.
– Forger une épée, affirma Donald.
– Ah là là, que l’esprit est si habile à se créer des limites artificielles! s’exclama Blackinn. Si forger une épée est si important pour toi, va voir le forgeron et demande-lui de t’apprendre une partie de son art. Tu réussiras, pas parfaitement, mais tu réussiras, parce que tu as deux mains, tu as un cerveau et tu peux apprendre. Trouve-moi autre chose.
– Je sais pas moi, réfléchit Donald, voler? Mais tu me diras que je peux apprendre la magie pour faire ça. Alors…
– Oui, c’est bien vrai, mais voler t’est pour le moment impossible, tandis que ce l’est pour Hellora. C’est de ça dont on a besoin. Et qu’utilise-t-elle pour voler? Ses ailes non? Si tu montes sur son dos, tu toucheras ses ailes, inévitablement. Concentre-toi, Donald, entraîne-toi à détester ces ailes, parce qu’elles font quelque chose que tu ne peux pas faire!
– Mais c’est complètement fou! s’exclama Donald. Je veux pas me rendre jaloux pour des ailes que je n’ai pas! La jalousie, on m’a toujours dit que c’est mal, négatif.
– Oui, je sais, avoua Blackinn, et je suis très heureux que tu t’en rendes compte. La technique que je te montre aujourd’hui est dangereuse si utilisée abusivement. Si tu méprises les mains du forgeron parce qu’il peut travailler le métal et pas toi, si tu détestes les yeux de l’oracle parce qu’il peut voir l’avenir et pas toi, si tu voudrais coudre la bouche du barde parce qu’il peut chanter et pas toi, si les pieds de la danseuse te donnent des envies de meurtre parce que tu ne sais pas danser, tu en viendras vite à détester l’humanité toute entière et cela te grugera plus encore que tous les démons réunis! Mais te créer du mépris pour les ailes d’une seule démone bleue, si ça peut t’aider à y résister, ça me semble raisonnable.
– Ouin, fit Donald, dubitatif.
– Tu n’es pas obligé d’utiliser cela. Fais-le si le mal devient trop prenant, sinon laisse ça de côté. C’est une arme de plus.
– Je vous en remercie, grand magicien.

Donald retourna à ses doutes et à son désespoir. Il ne dormit pas bien pendant ces deux jours et ressentit à maintes reprises fatigue et désespoir. Il put trouver un peu de réconfort à la taverne, en buvant de la bière, et grâce à une vieille flûte en bois que son père lui avait donnée. Il n’arrivait pas à en jouer très bien, mais ces derniers temps, il avait fait quelques progrès.

Il ne cessait de penser et repenser à Hellora de sorte qu’il finit par s’y mettre et se créa du mépris pour les ailes. Il parla de son aventure à son frère et à son ami. Tous deux lui dirent que ça ne valait pas le coup de tenter ça. « Ta volonté ne s’envolera pas », lui certifia son ami. « Au pire tu pourras toujours venir rester chez moi » le rassura son frère. Mais rien ne put dissuader Donald de se confronter à son épreuve.

Le jour fatidique enfin arrivé, Donald se présenta à la clairière. Il dut encore y attendre une heure. Hellora lui apparut alors et commença à lui parler. Donald lui répondit, lui parla des derniers mois, et puis il lui demanda de lui montrer où pouvaient se trouver les champignons désignés par le magicien.

– Alors tu veux des champignons rouges comme ceux-là, récapitula Hellora. Il y en a dans la forêt, mais c’est très loin d’ici. Je peux t’emmener dans un autre plan où ils sont plus gros et plus nombreux.
– Non, s’empressa de protester Donald, légèrement anxieux a l’idée qu’Hellora puisse le téléporter là-bas sans plus attendre. Il me faut cette taille-là, et ceux du plan matériel. C’est pour des potions.
– Ah les potions, j’y comprends pas grand-chose là-dedans. Je sais pas pourquoi ce sont ces champignons dont toi ou ton maître magicien avez besoin, alors je peux pas protester plus. Je vais te mener dans la forêt du plan matériel alors.

Hellora tenta immédiatement d’agripper le bras de Donald. Ce dernier faillit s’y abandonner et laisser la démone le porter jusqu’à destination. Il se ravisa à temps.

– Non, Hellora, je veux marcher, demanda Donald. Il faut que je puisse retourner là-bas si j’ai besoin de plus de champignons.
– Mais Donald, s’objecta la démone, je serai toujours là pour toi.
– Tu l’as pas été ces derniers mois, lui rappela Donald.
– Je sais, j’étais occupée dans mon plan natal. J’ai dû suivre un nouvel entraînement et me suis blessée. La convalescence a duré des semaines. Je suis là maintenant.
– Mais tu le seras pas toujours, argumenta Donald. Tu as tes propres obligations et j’ai les miennes. J’ai besoin de ma volonté pour les miennes.
– Comme tu veux, fit à contre-coeur Hellora, mais la route va être difficile.

Hellora mena Donald dans la forêt. Il fallut traverser des endroits où la végétation se faisait dense, où il y avait des racines partout et régulièrement, Hellora tentait d’agripper Donald pour lui faire franchir des racines, un ruisseau et même une clairière. Donald ne réussit pas toujours à résister, et sa volonté flancha au moment où il survola la clairière sur le dos de la démone.

– On va s’arrêter ici, proposa Hellora. On va en profiter pour manger un peu.
– Bonne idée, approuva Donald.

L’homme profita de ce répit pour manger quelques rations qu’il avait emportées, mais il œuvra aussi à rétablir son lien avec l’énergie universelle et à solidifier son bouclier contre la tentation.

Hellora et Donald marchèrent encore pendant une heure. Régulièrement, Hellora tentait de soulever Donald qui devait résister, décliner et parfois même se débattre un peu. Puis un moment donné, Hellora en eut assez et se choqua. « Si tu veux pas que je t’aide, t’aurais dû me le dire dès le début. Toutes les fois que j’t’ai aidé, c’était pas nécessaire en fait et tu m’as laissé faire juste pour profiter de moi! Débrouille-toi tout seul, alors! » Sans laisser le temps à Donald de s’expliquer, Hellora disparut, le laissant seul au beau milieu de la forêt.

Donald chercha pendant près d’une heure, espérant trouver par lui-même ces maudits champignons. Il n’y parvint pas. Il avait par contre pris grand soin de mémoriser par où ils étaient passés et put, après près de cinq heures et une nuit dans une petite grotte, retourner à la tour de Blackinn. Il y monta penaud et frappa à la porte du bureau.

– Entrez, cher ami, annonça Blackinn.
– Maître, commença Donald, la mine basse. J’ai échoué.
– Alors apporte-moi ces champignons. Au moins ils seront utiles pour une nouvelle potion.
– J’ai même pas les champignons, s’excusa Donald, anxieux à l’idée d’avoir déçu le magicien à un point qu’il n’avait même pas imaginé.
– Alors là je n’y comprends plus rien. Tu es revenu en vie de la forêt, la démone a réintégré son plan d’origine et tu n’as pas les champignons. Que me manque-t-il pour comprendre ce qui s’est passé? Tu es allé dans la forêt, au moins?
– Je crois avoir mal compris l’épreuve, alors, se questionna Donald. J’ai bien rencontré Hellora, elle a voulu me mener dans un autre plan pour avoir des champignons plus gros et j’ai refusé. Elle a voulu me porter sur son dos pour me mener plus rapidement dans la forêt et j’ai refusé.
– Si tu avais accepté la première offre, Donald, soit tu aurais les champignons, soit tu serais toujours là-bas. Si tu avais accepté la deuxième offre et pas la première, tu aurais les champignons et serais sans doute aussi déçu et anxieux qu’en ce moment.
– Alors peu importe comment ça s’est fini, je pouvais pas réussir? demanda Donald. À force d’avoir trop refusé l’aide d’Hellora, elle s’est choquée, est disparue et m’a laissé là, seul, dans la forêt.
– Pense, Donald, pense. Si tu l’avais laissée te mener dans un autre plan pour ensuite résister à ses charmes comme tu l’as bien fait ici, dans le plan matériel, elle t’aurait traité exactement de la même façon qu’elle l’a fait.
– Alors je serais coincé là-bas, constata Donald avec un frisson.
– Oui, Donald, oui, tu as réussi, mon ami. C’était normal que la démone se mette en colère, je m’attendais à cette réaction. En refusant son aide, tu l’as privée de sa source d’énergie. Elle le faisait pas par bonté de cœur, seulement pour que tu t’attaches à elle, y pense toujours et la veule comme le plus beau des diamants.
– Et les champignons dans tout ça? demanda Donald, encore un peu confus et sous le choc.
– On s’en tape, affirma Blackinn, j’en ai plein et ça sert presque à rien. C’était juste un prétexte. Cette espèce-là est rare et ne se trouve que dans un secteur de la forêt. Si ça se trouve, Hellora ne savait même pas qu’il y en avait et où les trouver! Elle t’aurait fait tourner en rond jusqu’à épuisement puis t’aurait mené dans un autre plan pour aller en chercher, et le manège aurait recommencé là-bas. Va, maintenant, repose-toi, reprends des forces.
– Merci, grand magicien. Votre sagesse est très impressionnante.
– Ah, Donald, une dernière chose. Tiens-moi au courant des résultats du traitement. Je connais une autre personne, dans un autre plan, qui a un problème semblable au tien et voudrais bien lui venir en aide.
– Oui, mais dans ce cas, proposa Donald, ce serait peut-être mieux que je parle avec cette personne directement. Ne pourriez-vous pas m’envoyer là-bas?
– Non, la barrière entre les deux plans est trop épaisse. Il faudrait un magicien de niveau très élevé, peut-être plus que les dieux, pour la franchir! Je communique avec cet homme à travers un aventurier qui a établi un lien mental avec lui.
– Et qui est cet aventurier, peut-être pourrais-je le retrouver?
– N’essaie pas, il est à des milliers de kilomètres. C’est un demi-elfe du nom d’Anastase et il se balade en compagnie d’un demi-orc, Arbogast, qui peut parfois être imprévisible et intimider ceux qui croisent sa route. J’essaie de trouver un moyen de les amener ici, parce que je voudrais bien offrir à Arbogast un enchantement pour son épée et quelques nouveaux sorts à Anastase. Si je réussis, ou s’ils viennent par leurs propres moyens, je tenterai de vous mettre en contact, mais je promets aucun résultat. Anastase a plus ou moins conscience du lien qui l’unit avec son correspondant de l’autre plan. La communication sera probablement impossible directement, seulement par songes.

Donald, un peu déçu mais très intrigué, repartit. Quelques jours passèrent et Donald sentit qu’il retrouvait des forces. La fatigue le quitta enfin. Il dut utiliser la manipulation d’images mentales plusieurs fois, mais il y parvint plus facilement. Hellora ne revint jamais hanter son esprit; il l’avait conjurée pour de bon cette fois!

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