Alain et Steve ont un gros problème que nous ne parvenons pas à résoudre complètement. Une ordonnance d’éloignement les séparant, leur situation se stabilise quelque peu, mais ils ont toujours besoin d’un suivi psychologique, éprouvant des périodes de grande détresse due au manque.
Tout a commencé voilà douze ans, quand ces deux hommes se sont rencontrés dans un bar. Tous deux en couple, ils se sont liés d’amitié et se sont mis à pratiquer le badminton ensemble. À l’époque, Alain avait un problème d’alcoolisme. Il buvait trop et perdait le contrôle de lui-même. L’ivresse réveillait chez lui un désir sexuel que sa blonde ne parvenait apparemment pas à satisfaire complètement.
De plus en plus souvent, Alain évoquait des propos sexuels en présence de son ami. Il suggérait à Steve qu’il ait une relation sexuelle avec un homme, bien qu’il soit déjà en couple avec une femme! Selon Alain, Steve devrait expérimenter les deux, pour savoir s’il était homosexuel ou pas, afin de ne pas faire de peine à sa blonde et surtout le savoir avant d’avoir des enfants. Steve était agacé, ne comprenait pas ce dont Alain parlait exactement, parce que ses propos étaient vagues et un peu, je dirais plutôt très, décousus. Au fil des mois, la pensée d’Alain se précisa et Steve se rendit compte que son ami voulait avoir une relation sexuelle avec lui! Choquant direz-vous? Attendez la suite, il y a pire!
La pandémie s’abattit alors sur ces deux hommes, les forçant à l’isolement. La blonde d’Alain, dans le milieu médical, finit par faire une dépression et dut être hospitalisée. Cela rendit Alain très vulnérable. Ses idées sexuelles se développèrent, se précisèrent, se renforcèrent. Steve, pour sa part, se portait un peu mieux, mais son couple battait de l’aile. Sa blonde aurait voulu qu’il se sépare d’Alain, mais Steve pensait pouvoir l’aider à tenir le coup jusqu’au retour de sa conjointe hospitalisée. Mais l’hospitalisation dura plus longtemps que prévu, et Alain s’enfonça dans la déchéance éthylique. Il en vint à téléphoner à Steve presque chaque soir pour lui offrir de venir chez lui, coucher avec lui, ou que Steve vienne et qu’ils couchent ensemble. Parfois, il éclatait de rire en racontant ses délires. Alain en vint même à avouer à Steve qu’il était en amour avec lui.
En temps normal, la victime aurait coupé les ponts avec ce genre d’individu dérangé, mais Steve était persuadé de pouvoir aider son ami, alors il tenta de tenir bon. En surface, son esprit résistait, mais sous la surface, un important changement était en train de s’opérer. Graduellement, inconsciemment, Steve commençait à désirer avoir une relation sexuelle avec Alain!!! Sa logique bloqua ce désir insensé, mais il était là, se renforçait, jour après jour. La seule façon que Steve put trouver pour supporter son ami ivre, c’était de se bater bien solide: un bon petit joint de cannabis et c’est parti. Ce que Steve ne savait pas, c’est que la substance avait pour lui l’effet d’affaiblir certaines barrières psychologiques, qui autrement auraient pu le protéger contre les manipulations d’Alain. Il n’est pas certain que le cannabis aura ce même effet pour tous, alors il ne faut pas en conclure qu’il est toujours mauvais d’en prendre. Mais dans le cas de Steve, ça aurait été mieux pas, du moins pas en présence d’Alain.
Lorsque la situation le permit, Steve et Alain se virent. Au début, cela se passa relativement bien, mais après quelques visites, Alain commença à chatouiller Steve, à s’asseoir sur ses genoux, à poser sa main sur sa cuisse. Des barrières sautèrent en Steve et il put laisser son ami explorer, presque à sa guise, tant qu’il ne touchait pas les parties génitales. Alain ne s’essaya pas. Cela dura trois mois, après quoi Alain, suite à un accident de vélo qui faillit lui casser une jambe, décida qu’il était grand temps de cesser de boire. Ce ne fut pas facile, mais les alcooliques anonymes et sa blonde enfin remise sur pied l’y aidèrent beaucoup.
Lorsque Steve revit Alain sobre, il était soulagé qu’enfin cessent les chamailleries, les demandes de fellation et tout. En surface… Lentement, progressivement, Steve se rendait compte qu’il était un peu ¸déçu que ça ait pris fin. Une part de lui aurait voulu que ça continue, avait envie de céder à ses demandes, de coucher avec Alain. Souvent avant de s’endormir le soir, il imaginait Alain avec lui dans le lit, il s’imaginait frottant son corps contre lui, et puis il faisait cesser ça. Mais ça revenait toujours. Toujours, à moins de fumer un joint. Alors Steve se mit à consommer plus. Il en vint à être presque toujours gelé.
Et puis un jour, n’en pouvant plus, Steve commença à demander à Alain d’avoir une relation sexuelle. Ce dernier, un peu surpris, lui dit non, lui dit qu’il blaguait quand il proposait ça sous l’effet de l’alcool. Steve, perturbé, ne put en rester là et continua à demander à Alain et à insister.
Oui oui, vous l’avez bien deviné. Les rôles se sont inversés. La victime est devenue l’oppresseur et l’oppresseur, la victime!
Alain, un peu mal à l’aise de tout ça, ne put se résoudre à laisser son ami Steve dans cette situation. Steve l’avait aidé pendant sa mauvaise passe alors Alain se sentant redevable, voulut faire de même. Alors il tenta de supporter Steve dans son délire sexuel, essaya de le raisonner tant bien que mal, mais il fallut que ça aille jusqu’aux chatouillages, chamailleries et tout! Steve a même léché Alain au visage, un bon soir; Alain lui a balancé un coup de poing, pour ça, c’était juste trop.
Après ça, Steve a décidé de faire quelque chose pour sa consommation de cannabis qui avait trop augmenté. Il tenta son coup seul, sa blonde le supporta comme elle put, mais cela ne suffit pas. Il dut aller en thérapie pendant un mois. Après ça, ce fut mieux et Steve cessa de désirer sexuellement Alain.
Eh bien pendant la thérapie de Steve, Alain eut des conflits avec sa blonde, perdit son emploi et finit par retomber dans l’alcool! C’est alors qu’Alain a recommencé à offrir des fellations à Steve. Lui, partiellement guéri, n’avait plus envie du tout. Ils retombèrent ainsi à la case départ. Steve dut supporter son ami pendant près d’un an et demi, comme Alain a dû endurer Steve pendant près de deux ans. À chaque fois, Alain perdait le contrôle avec l’alcool. À chaque fois, Steve se mettait à consommer trop de cannabis et devait aboutir en thérapie. Parfois, Alain réussissait à cesser de boire, d’autres fois fallait qu’il aille en thérapie. Tout ceci draina beaucoup d’énergie aux deux hommes qui n’étaient que peu productifs, et les soigner coûtait très cher à la société.
Après douze ans, les deux amis en étaient à la sixième itération de ce cycle infernal. Comme la lune et le soleil, leurs désirs sexuels s’opposaient diamétralement. On a perdu les conjointes de vue dans tout ça. L’une est partie après un cycle, l’autre deux, mais elles n’ont pas tenu le coup. Chaque itération de ce cycle infernal était de plus en plus intense et les chamailleries qui mettaient fin à chaque étape étaient de plus en plus violentes. Steve et Alain en vinrent à se battre au point de se retrouver à l’hôpital. La police mit son nez là-dedans, on décida que tous deux seraient poursuivis pour voie de fait bien que ni l’un ni l’autre ne portèrent plainte. Les agressions étaient trop graves pour que rien ne soit fait. La cour régla ça par une ordonnance d’éloignement de deux ans et imposa une thérapie aux deux moineaux.
On ne comprend toujours pas comment ces deux gars-là ont pu tenir ce régime pendant si longtemps. Habituellement, la victime coupe les ponts avec son harceleur, porte plainte ou va consulter en psychologie bien avant. Une inversion des rôles a parfois été observée, mais c’est surtout quand la victime et le harceleur sont confinés dans un espace fermé (syndrome de Stockholm). Le confinement en raison de la pandémie pourrait potentiellement produire des effets similaires au syndrome de Stockholm, mais il faudra des années pour que ces cas soient observés, étudiés, catalogués et tout. Mais là, plusieurs inversions, c’est peu ordinaire.
On ne sait pas si on va pouvoir les sauver, ces deux-là, à moins de les garder tous deux en thérapie fermée à vie. Au minimum, il faudrait que tous deux aient réglé leurs problèmes de consommation, pour ne pas que le cycle recommence. Ne serait-ce pas plus simple de synchroniser leurs orbites? Rendons Alain ivre mort et Steve gelé bien raide, mettons ces deux-là dans une pièce fermée et laissons faire la nature. L’idée, bien que bonne en apparence, est beaucoup trop risquée pour être tentée. C’est comme provoquer un arrêt cardiaque et repartir le cœur en espérant que peut-être l’arythmie sera réglée. Ouin…
On pense qu’ils garderont des séquelles à vie. Alain éprouve des envies sexuelles démesurées et a même fait l’objet de plaintes pour agression sexuelle lorsque viré fou un soir dans le métro, il s’est mis à tenter de lécher des personnes au hasard! Steve, pour sa part, est désormais impuissant, incapable d’éjaculer depuis des années. Dans ses dernières phases de délire sexuel, il était persuadé qu’Alain aurait pu lui débloquer ça. Il doit prendre des médicaments pour contrôler d’effroyables douleurs aux testicules qui ont augmenté de façon quasi exponentielle à chaque itération du cycle.