Quand l’union ne fait pas la force

Un soir, l’année dernière, un sage pas si sage que ça m’a dit, à répétition, que deux plus deux font quatre. Jusqu’à présent, cette affirmation simple avait été noyée par les choses que ce sage voulait faire avec moi à ce moment qui avaient et n’ont toujours que peu de sens pour moi. On parle ici du tout qui est la somme de ses parties. Mais parfois, trop souvent malheureusement, le tout n’est que la somme de ses parties tandis qu’il pourrait être bien plus, ou bien est moindre que ses parties prises séparément si bien qu’il s’est perdu quelque chose.

Prenons par exemple Tit-Coun et Tit-Pou qui tentaient tant bien que mal de se construire un pont pour traverser une rivière. Tit-Coun était certain que le pont en bois tiendrait sans corde, et refusait que Tit-Pou fabrique de la corde à partir du chanvre qui poussait en abondance dans la région. Le pont, naturellement, ne tint pas la route. Tit-Coun tenta donc, de peine et de misère, de fondre du métal pour forger des clous, tandis que Tit-Pou, lui, travailla sur la corde. Devant les objections incessantes de Tit-Coun, Tit-Pou dut se résoudre à construire son propre pont, qui tenait sommes toutes très bien. Tit-Coun parvint pour sa part à forger ses clous, solidifia son pont et ça tint. Au final, on avait deux ponts, qui tenaient relativement bien, mais il aurait mieux valu un seul pont, avec la corde et les clous! Le pont de Tit-Coun était trop étroit, celui de Tit-Pou tanguait dangereusement. On décida d’éviter ces ponts et d’emprunter le passage à guay qui existait déjà. Mais les ponts, dans les jambes, rendaient plus difficile la traversée à guay de la rivière! Ainsi, les efforts combinés de Tit-Coun et Tit-Pou empirèrent la situation au lieu de l’améliorer. C’est la foudre qui régla tout ça. Un bon jour, elle frappa sur les ponts, y mit le feu et ils brulèrent, laissant la situation telle qu’elle était avant.

Et si, au lieu de cela, Tit-Coun et Tit-Pou avaient travaillé ensemble sur le même pont. Sans coordination, par contre, après la pose des clous, il risquait d’être difficile d’installer la corde ou inversement, les clous trop grossiers risquaient d’entamer et fragiliser la corde. Au final, on aura un pont mais sans plus. Le tout ne sera que la somme de ses parties. Et puis la foudre viendra le détruire.

Et si Tit-Pit avait été là, supervisant les travaux, coordonnant les efforts de Tit-Coun et Tit-Pou, là on aurait pu avoir un pont plus solide que si seul Tit-Coun, ou seul Tit-Pou, avaient travaillé dessus ou s’ils s’y étaient mis à deux seuls. Le tout deviendra alors supérieur à la somme de ses parties. Et peut-être même on aura pensé, à trois, faire le pont en béton, et il résistera (mieux) à la foudre. Yeah!

Le problème, c’est quand le travail de supervision devient plus complexe encore que celui de la construction. Il ne suffit pas de concevoir le pont. Non, il faut que le concepteur puisse expliquer aux exécutants les étapes de sa fabrication, et c’est souvent là que ça cloche. Le cerveau humain a une capacité trop limitée pour traiter toute la complexité et l’interface humain vers humain est trop primitive et inefficace. Le langage ne permet pas de tout exprimer sans ambiguité si bien que les gens pansent avec des dessins, des gestes, des reformulations multiples. Au final, il se perd temps et énergie, et ceux dont il manque un morceau sont pénalisés. Que va faire un aveugle pour comprendre le schéma de son compère? Que va faire le sourd pour lire le document de son collègue? Et le pauvre qui a du mal à s’exprimer à l’oral, comment va-t-il composer avec son coéquipier qui a du mal à lire de longs documents?

C’est là que la machine entre en scène. On parle d’interface homme-machine, mais en fait ce qu’il nous faut, c’est que la machine devienne l’intermédiaire, pour faciliter la communication d’humain à humain, au moins sur le plan technique. Par l’ordinateur, faisons en sorte que l’aveugle voie, que le sourd entende et que la langue du muet se délie. Faisons en sorte que le boiteux ou le paralytique, non ne puisse pas marcher physiquement, mais que sa condition ne soit plus un obstacle à son développement personnel.

Que la machine cesse d’être un obstacle par son dysfonctionnement aléatoire et sa lenteur sporadique, pour devenir le moteur du futur.

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