Maude était en furie. Jamais elle n’avait été aussi choquée. Cela faisait des semaines, à temps perdu, qu’elle essayait tout ce qu’on lui proposait, sans aucun réel progrès. Les gens à qui elle parlait de son problème ne comprenaient pas la cause, proposaient des solutions partielles qui n’avaient aucun sens pour elle ou ne fonctionnaient juste pas, et ne comprenaient pas pourquoi ça ne fonctionnait pas. Tous lui disaient que c’était simple et que ça devrait fonctionner. Et pourtant…
Tout a commencé le 25 juin 2024, jour où Maude, par distraction, échappa son téléphone dans la toilette. L’appareil ne fonctionna plus jamais. Ses amies lui suggérèrent de mettre l’appareil dans du riz pendant plusieurs jours, quelqu’un proposa de le faire sécher avec un séchoir à cheveux, un autre au gros soleil, etc. Maude essaya tout ça et, malgré tout, son téléphone ne ralluma pas. Il faut pour être précis spécifier que l’eau, dans la toilette où le téléphone est tombé, n’était pas claire.
Maude n’avait pas les moyens de se racheter un appareil neuf alors elle opta pour un usager. Elle en trouva un à 225$. L’appareil, normalement, ne pouvait exécuter qu’Android 11, mais le vendeur l’a modifié d’une façon qu’elle ne comprenait pas pour qu’il offre Android 14! Alors sans se poser plus de questions qu’autre chose, elle acheta le nouveau vieux téléphone.
Lorsque Maude reçut l’appareil, elle l’examina et constata qu’il semblait en bon état. Elle découvrit ensuite que l’appareil était déchargé et aucun chargeur en sa possession ne permettait de l’alimenter! Il lui fallut aller dans une boutique pas loin de chez elle pour acheter un chargeur USB C qui lui coûta près de 25$ tandis que le chargeur USB C de son laptop aurait pu fonctionner!
L’appareil chargé, Maude l’alluma et entreprit de le configurer. Elle se heurta à un premier mur: elle avait oublié son mot de passe pour le wi-fi. Maude chercha, aussi bien dans sa tête que dans ses tiroirs, en vain. Son laptop étant encore relié au wi-fi, Maude fit des recherches et trouva un moyen d’extraire le mot de passe depuis l’ordinateur. Par contre, on ne saurait dire pourquoi, elle se trompa dans la procédure et cela conduisit à l’effacement du réseau wi-fi de sa machine. Elle ne pouvait plus se connecter, faute du mot de passe.
En désespoir de cause, elle appela son fournisseur d’accès Internet qui ne put absolument rien pour elle parce que le routeur était le sien et non celui fourni par le fournisseur! Eh bien au lieu de lui dire de chercher comment réinitialiser son routeur actuel, on lui fit payer près de 120$ pour un autre routeur! Selon le technicien qui traita son appel, le nouveau routeur serait plus performant. Il n’en fut rien: les deux routeurs étaient compatibles avec la dernière norme wi-fi. En plus le nouveau routeur n’avait que deux ports Ethernet tandis que le vieux en offrait cinq. Le routeur du fournisseur comportait beaucoup de bloatwre le rendant plus lent et le faisant chauffer, mais il permettrait à un technicien de faire un reset à distance en cas d’oubli de mot de passe. Quel horrible compromis quand on sait que faire un reset consiste souvent à appuyer pendant plusieurs secondes sur un ou plusieurs boutons!
Lorsque Maude eut son nouveau routeur, elle le brancha, ce qui ne fonctionna pas du tout, alors elle rappela le fournisseur Internet. Le technicien tenta de la guider pas à pas dans le branchement, pourtant très simple, et on ne parvint à rien. Il fallut planifier une visite à domicile et encore des frais: 45$! Pourtant, il aurait suffi que Maude branche le routeur dans le mur et le relie, via le câble réseau fourni, à son modem, puis soit se connecte en filaire, soit en wi-fi. Maude aurait pu se heurter à des difficultés de configuration? Non, quand le technicien est arrivé, le routeur n’était même pas branché: Maude n’avait pas vidé la boîte et pensait que le transformateur était manquant! Ah là là! Seul le câble Ethernet était relié au modem, et branché dans le mauvais port, et Maude pensait que le modem allait fournir de l’électricité au routeur. Ben non! Pas de Power over Ethernet là-dessus, ça prenait un autre câble. Ah quelle galère!
Le mot de passe wi-fi enfin retrouvé et noté sur plusieurs petits post-its qui traînèrent partout, oh wow quelle grande sécurité, Maude reprit ses tentatives avec son nouveau vieux téléphone. L’appareil se brancha au wi-fi après un peu de difficultés et il lui fallut la visite d’une amie pour enfin trouver pourquoi le mot de passe ne fonctionnait pas!
Choquant n’est-ce pas? Ben vous n’avez rien lu encore. Ce n’est pas fini, loin de là.
Alors un second mur se présenta à Maude: on lui demandait de se connecter à son compte Google. Maude ne se souvenait plus ni de son adresse email Google, ni de son mot de passe, alors elle sauta cette étape. Elle put ainsi terminer la configuration de son appareil, pour constater avec exaspération qu’il manquait tout là-dessus! L’appareil était dépourvu de YouTube, GMail, Google Maps, Google Contacts, Calendar, etc. Alors elle contacta le vendeur qui lui dit que les applications n’étaient pas préinstallées sous LineageOS mais pouvaient être ajoutées via le Play Store. Mais qu’est-ce que Diable est LineageOS? C’est un logiciel alternatif qui permet de remplacer une version non maintenue de Android sur un vieux téléphone par une version plus moderne, avec les correctifs de sécurité. L’installation de LineageOS est relativement simple, mais c’est un processus qui exige de la rigueur, aucun étape ne devant être sautée. Par chance, Maude n’eut pas à se taper cela, et le vendeur avait bien fait les choses, offrant une installation de LineageOS avec prise en charge des applications Google. Le vendeur avait testé son travail en configurant le téléphone avec son compte Google, puis l’avait réinitialisé avec les réglages par défaut juste avant l’expédition.
Maude essaya au moins d’accéder à Play Store, et se fit refuser l’accès faute de connexion à son compte Google. Pour pouvoir récupérer le mot de passe de son compte Google, Maude avait besoin de faire une récupération en utilisant le numéro de téléphone relié à ce compte. Alors il lui fallait installer une carte SIM dans l’appareil.
Maude appela chez son fournisseur de télécommunication comme plusieurs lui suggérèrent. Elle ne fit pas les choses comme il faut, malheureusement. « Bonjour, j’ai acheté un téléphone sur Internet et voudrais l’activer. Le vendeur l’a craqué pour qu’il fonctionne avec la dernière version d’Android. » Ah non, non, fallait pas dire ça, Maude! Le mot-clé « craquer » faut éviter quand on appelle sa compagnie de télécom! Ben ils ne purent rien pour elle, pensant que le téléphone avait été infecté par quelque chose. On lui offrit un nouvel appareil pour 0$ avec entente de deux ans qui allait augmenter sa facture de 20$ par mois. Maude chercha ailleurs, posa des questions à des gens qui lui dirent la chose suivante. « Achète une carte SIM et puis va sur le site de ton fournisseur, connecte-toi et entre le numéro de la carte SIM pour la relier à ton compte ». What? Maude ne fit pas ce qu’il fallait, à savoir relire cette phrase et la décomposer. On commence par acheter une carte SIM, non? Ben elle fit ça, oubliant le reste! Ah mon Dieu!
Sans se poser plus de questions qu’il ne faut, ce qui est plutôt mal avisé dans bien des cas mais surtout dans le sien puisqu’elle ne savait pas du tout ce qu’elle faisait la pauvre, elle fouilla sur Amazon et acheta pour 45$ la première carte SIM qu’elle trouva. Ce fut une grosse erreur: c’était une carte SIM prépayée destinée à être utilisée aux États-Unis! Peuah! Elle la reçut deux jours plus tard, mit ça là-dedans et obtint erreur après erreur, aucune connexion.
Alors elle essaya de se présenter dans une boutique de télécommunication près de chez elle pour expliquer son cas. On ne put rien pour elle, à moins qu’elle ne paie 65$! Cette fois, elle recula enfin, tannée de payer en vain, et demanda à des amis. On lui dit que la carte SIM qu’elle avait devait être activée. Alors elle chercha pour activer la carte SIM, encore en vain. Un ami tenta de l’aider, mais rien ne put être fait jusqu’à ce que l’ami voie ENFIN la carte SIM!
Il lui fallut trois semaines pour se rendre compte du problème. Elle dut retourner la carte SIM et en acheter une autre. Cette fois, elle prit une carte au Canada. La carte fonctionna, avec un bémol plus que majeur: son numéro de téléphone avait changé, ce qui allait l’empêcher de faire une récupération de mot de passe Google par texto!
Alors Maude, fidèle à elle-même, fit ce qu’il ne fallait pas faire: elle se créa un nouveau compte Google. Ceci est une mauvaise idée parce que l’ancien compte demeure actif et prend des ressources chez Google. Si trop de gens ne cessent de se créer de nouveaux comptes, c’est une question de temps avant que Google n’exige la carte de crédit pour créer des comptes, et puis ils vont faire payer juste pour créer un compte.
Il aurait fallu que Maude se procure une carte SIm auprès de son fournisseur de télécommunication et active cette carte avec ce dernier, afin de pouvoir récupérer son ancien numéro de téléphone et là, pouvoir faire la récupération de mot de passe! La carte SIM devrait coûter une dizaine de dollars par plus et l’activation devrait être gratuite. La procédure d’activation (par téléphone, via un site web, etc.) va dépendre du fournisseur, malheureusement, mais l’idée de base est toujours la même: enter le numéro de la carte SIM à quelque part pour le lier au compte de téléphone, puis redémarrer l’appareil qui va enfin se connecter au réseau et utiliser l’ancien numéro de téléphone, pas un nouveau!
Ben non! Maude avait un nouveau compte Google et un nouveau numéro de téléphone qu’elle donna à tout le monde, comme si c’était normal de tout le temps changer de numéro.
Le nouveau compte Google était associé à une nouvelle adresse GMail. Quand vint le temps pour Maude de tenter de se reconnecter à son compte Facebook, encore mot de passe oublié, la récupération échoua, car Facebook envoya un email à l’ancienne adresse GMail, pas la nouvelle. Maude attendit vainement le email, pensant qu’elle allait l’avoir sur sa nouvelle adresse. Résoudre ce petit problème lui prit deux semaines, après quoi tout ce qu’elle put faire c’est encore créer un nouveau compte Facebook et rajouter ses amis dessus. Cela faisait au moins cinq fois qu’elle faisait ça et certains se tannèrent, refusant de l’ajouter.
Pendant un temps, elle utilisait l’ancien compte Facebook sur son laptop et le nouveau sur son téléphone. Ce qui est terrible, c’est de savoir que Maude aurait pu recevoir des emails avec son ancien compte Google depuis son ordinateur, qui était déjà authentifié, et elle n’essaya JAMAIS!
Mais éventuellement, Facebook cessa de fonctoinner sur son laptop; ça ne fonctionnait que sur son téléphone. Il lui aurait fallu se connecter sur son laptop avec son nouveau compte, mais bien entendu, elle avait oublié le mot de passe. Alors elle se créa un nouveau compte, encore, oui un autre, pour son laptop! Sa meilleure amie avait continué à lui écrire sur un de ses anciens comptes Facebook désormais inaccessible. Elle avait publié là un événement pour sa fête et espérait y voir Maude. Bien entendu, elle ne répondit ni à l’événement, ni à ses demandes par texto puisque son amie l’envoyait vers son ancien numéro de téléphone plus bon! Mais le numéro fonctionnait encore, toujours actif auprès de son fournisseur, et les textos n’étaient pas retournés en raison de numéro inexistant, alors l’amie de Maude pensait qu’elle les avait reçus. Il en résulta une querelle qui gaspilla beaucoup d’énergie et qui eut lieu seulement après l’anniversaire, que Maude s’en voulut beaucoup d’avoir manqué.
Puis son téléphone cessa de fonctionner, carte SIM prépayée expirée. Elle essaya de la recharger en vain, il fallait acheter une autre carte SIM. Elle en racheta une sur Amazon, encore une prépayée, et quand elle se rendit compte que son numéro changeait encore, elle perdit espoir de solution pérenne.
Il résulta de tout ceci un tel méli-mélo que Maude en hurla de rage un bon jour. Puis elle décida d’enfin tout éteindre ça et ne plus avoir de téléphone. Quelques temps plus tard, elle se procura un vieux flip pas de Google rien et cela lui suffit, et surtout c’était plus simple.
Je crois que seule l’intelligence artificielle pourrait résoudre pareil casse-tête. Personne parmi ceux qui ont aidé Maude ne disposait de toutes les pièces d’information pour aboutir à une solution. OpenAI ChatGPT et Microsoft Copilot sont de bons débuts, mais il faut que le modèle d’IA s’adapte aux informations de l’utilisateur. Par exemple, un modèle qui intégrerait la marque et le modèle du routeur de Maude, ou qui saurait lui demander cette information et surtout la guider dans l’obtention de celle-ci, aurait pu lui fournir des instructions claires, résumées, pour procéder à la réinitialisation pour passer l’étape de l’oubli du mot de passe wi-fi. Un modèle intégrant les informations à propos de son fournisseur de télécommunication aurait pu lui donner un lien précis vers où se procurer une carte SIM adaptée à ce fournisseur et des instructions claires, résumées, pour activer ladite carte. Mais surtout, un modèle d’IA ne va pas charger 45$ à 65$ pour une carte SIM, son installation dans un téléphone et son activation. Il ne va pas prétendre qu’un appareil mis à jour avec LineageOS sera incompatible avec le réseau 5G.
Mais pourquoi faut-il une carte SIM? Un téléphone moderne ne pourrait-il pas offrir un Trusted Platform Module (TPM) intégré stockant une paire de clés? On donne la clé publique à son fournisseur, la clé privée reste cachée dans le TPM et sert à résoudre un challenge cryptographique destiné à authentifier l’appareil. Si jamais la paire de clés est compromise, on peut juste régénérer une nouvelle paire et renvoyer la clé publique à son fournisseur. Pas besoin de carte SIM non? De la même façon que cette damnée YubiKey ne devrait pas exister, quand on a un TPM pour stocker des clés privées! Pourtant… Soit je suis fou, soit il y a de quoi que je ne sais pas, soit on essaie de faire de l’argent sur notre dos, mais il y a de quoi déjà là qui cloche.
Mais ce qu’il faut aussi, c’est une meilleure gestion, idéalement une élimination, des mots de passe, parce que c’est cela qui a mis le plus de bâtons dans les roues à Maude, avouons-le. Si elle avait pu se brancher à son réseau wi-fi sans changer de routeur pour rien, elle aurait sauvé déjà 120$. Si elle avait eu son mot de passe Google, elle aurait pu se reconnecter a son compte et retrouver non pas seulement ses applications préférées (YouTube, GMail, Maps) mais aussi son historique de navigation dans YouTube, ses contacts, etc. Sans oubli de mot de passe Facebook, Maude aurait évité la fragmentation de ses contacts et n’aurait pas manqué la fête de sa meilleure amie, qui a été annoncée seulement sur son ancien compte.