Cette histoire ne s’est pas produite réellement, mais qui sait, dans un autre monde, un autre soir…
Ce jam chez mon frère avait été génial. J’en ai oublié plusieurs soucis de la semaine. Mon Seaboard Block commençait à donner des signes de faiblesse, répondant de moins en moins bien parce qu’on a trop vargé dessus. J’ai à quelques moments regretté de ne pas avoir mon RISE 2 avec moi; le nouveau modèle de ROLI est pas mal plus réactif et flexible, mais plus gros à transporter bien entendu. Peut-être le Seaboard M serait une alternative portable… Peut-être… Mais faudrait arrêter de varger dessus, me suis-je dit. Mon laptop nouvellement formaté pour me débarrasser du boulet l’empêchant de migrer de Windows 11 22H2 à 24H2 a super bien fonctionné. Il manquait des sound packs de ROLI parce que l’installation, la semaine précédente, a foiré, j’ai tenté de corriger cela, mais il aurait fallu tout redémarrer pour que ROLI Studio Player voie les sound packs réinstallés. Les patches de Arturia V Collection étaient bien là, aussi. Et mon Ultranova, laissé là-bas, est un super beau complément, offrant une expérience sans écran plus que bienvenue après une épuisante semaine de travail à regarder, regarder, et encore regarder du code.
C’est le cœur léger que je ressortis de là, entamant le voyage de retour vers chez moi. Selon mes calculs, l’autobus devait arriver vers 23h02 alors je n’avais pas besoin de courir, seulement marcher d’un bon pas. J’arrivai sans mal à l’arrêt et fis les cent pas en attendant l’autobus.
23h02, l’autobus n’était toujours pas là. Je regardai sur l’application Transit et ça me disait que le prochain serait dans 26 minutes. Hein? Ah non! Un peu découragé, pas super envie de marcher jusqu’au métro, sentant la fatigue pogner, sachant que revenir chez mon frère ne m’avancerait pas beaucoup puisque dans 26 minutes, l’autobus pouvait une nouvelle fois ne pas passer ou j’arriverais en retard. Attendre là me semblait donc la chose à faire. Sauf que cette fois, je décidai de ne pas juste attendre.
Inspiré par ce que je crus le Saint Esprit, je me mis debout sur un banc. Là, je me sentais comme Jésus sur la montagne, et je me mis à prêcher. À pleins poumons, je me mis à hurler ceci:
Dieu est amour! Dieu est miséricorde! Lent à la colère, il pardonne tout. Le Seigneur Tout-Puissant veille sur nous. Il peut tout! Dieu connait chacun d’entre nous comme le berger connait ses brebis!
Je continuai comme ça pendant près de cinq minutes, jusqu’à apercevoir une voiture de police s’arrêter à ma hauteur. Le policier ouvrit la porte et me demanda ceci:
- Monsieur, ça va bien?
- Oui oui, j’ai compris ma mission ce soir. Je suis prophète! Je vais proclamer la parole de Dieu jusqu’à temps qu’l’autobus arrive pis rendu dans l’autobus j’vais continuer à prêcher. Parce que ce soir, Dieu m’a touché de son illumination, m’a donné la sagesse et m’a confié ma mission, celle de transmettre aux autres ce que j’ai appris.
- C’est que des gens essaient de dormir et ont porté plainte pour le bruit.
- Ça montre juste que depuis 2000 ans, on n’a pas évolué. Les prophètes, on les persécute. Mais moi je vais continuer à dire que… Dieu est amour! Dieu est miséricorde! Par lui, l’aveugle et le sourd entend. La langue du muet de délie et celui qui n’avait plus d’espoir de marcher se tient debout, fier, libre.
- J’vais vous d’mander d’me suivre monsieur.
- Ben non là, attends l’autobus est là, les voisins m’entendront plus. Ya des gens dans l’autobus et dans le métro qui ont besoin d’entendre la bonne nouvelle, savoir que le Seigneur veille sur eux et peut tout. Parce que Dieu est amour, Dieu est miséricorde! Son fils, Jésus, est ressuscité pour nous sauver!
Tout en scandant, je me dirigeai vers l’autobus. Mais le policier insista: il me fallut monter dans l’auto de police, manquant l’autobus qui m’aurait ramené au métro si j’avais été sage. La voiture roula ce qui me parut sans fin, on m’emmena au poste de police pour me poser des questions. Une part de moi voulait se tenir tranquille et coopérer, mais une force s’empara de moi, me poussant à continuer de prêcher. Oui oui, au poste de police, je proclamai la parole de Dieu.
- Monsieur pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous faisiez du bruit en pleine nuit?
- J’ai rien de plus à vous dire. Ce que j’ai à dire doit être révélé sur la place publique et non pas gardé secret dans une petite pièce fermée.
- Là on veut savoir si t’es encore toi, ou si t’es viré su’l’capot à t’prendre pour le p’tit Jésus là. Peux-tu au moins m’dire ton nom.
- Il appartient au Père de savoir qui est qui. Les décisions du Père sont impénétrables. Lui seul connait le moment du Jugement Dernier.
- T’es qui? s’impatienta le policier.
- Je suis le prophète. Le Prophète Buisto Pingouin. Je suis celui qui suit le précédent, envoyé par le Père pour annoncer aux autres que tous peuvent être sauvés.
On a fini par m’emmener à l’hôpital où, inlassablement, j’ai continué à proclamer la parole de Dieu. On m’a questionné, on m’a mis en isolement, on m’a questionné encore et on m’a laissé partir seulement quand j’ai promis de ne plus proclamer la parole de Dieu! Oui oui, j’ai été ce soir et cette nuit-là persécuté exactement comme dans le temps de Jésus.
En plus de ça, j’eus par la poste un constat d’infraction: 500$ pour tapage nocturne! Oui oui. Voilà ce qui arrive aux prophètes en 2024!