Ça aurait pu être bien pire!

Jeudi, 15 juin 2023, j’avais une commission à faire à la pharmacie. Au moment de m’engager sur la rue Ontario, j’ai entendu quelqu’un klaxonner. J’avais pourtant vérifié qu’il n’arrivait pas de voiture d’un côté ou de l’autre. Parfois, souvent en fait, ça peut être un conducteur qui klaxonne après un autre, quand il y a un danger mais aussi trop souvent par impatience. Inquiet malgré tout, le mieux à faire était de continuer à avancer, et atteindre l’autre trottoir où je serais sain et sauf. Au moment où je crus y être, une voiture en provenance de la rue perpendiculaire à Ontario s’approcha de l’intersection et tourna à droite sur Ontario. Avant que je n’aie pu faire quoi que ce soit, j’avais le pied droit sous la roue avant gauche de l’auto. Ma première idée a été de tenter de me dégager, mais j’ai vite constaté que j’étais coincé. Mes orteils droits étaient sous la roue, ayant comme seule protection ma sandale. Si j’avais tenté de m’extirper de cette mauvaise posture, j’aurais eu plus de chances de m’écorcher le pied jusqu’au sang qu’autre chose.
Le conducteur pensant que j’étais dans le chemin et que j’allais me tasser, ne bougeait pas. Je tentai de lui dire de reculer, mais il ne m’entendait pas. Un autre passant lui répéta de reculer, ce qu’il finit par faire. Les orteils engourdis, le cœur battant, je me dirigeai vers le trottoir. Rendu là, je tentai de bouger les orteils, qui répondirent au début difficilement. Un passant qui a vu ça a traité le conducteur de cave, tandis qu’il s’est excusé. Au moment de la collision, il était en train de consulter une carte, probablement sur son téléphone, plutôt que regarder la route. J’étais trop choqué pour dire quoi que ce soit. Tout ce que je voulais savoir, c’est si je pouvais encore marcher ou pas!

Un passant, peut-être celui qui a traité le conducteur de cave mais je ne sais pas, m’a conseillé de rester là et d’appeler l’ambulance. Une femme a ajouté que même si ça avait l’air correct là, peut-être dans trois jours ça allait empirer. Mon pied, de son côté, n’était plus engourdi et ne faisait plus mal alors pourquoi aller attendre des heures à l’hôpital? Pas de douleur intense, pas de sang, mais mon pied était mauve selon une passante. Normal, puisque le sang a été coupé dans les orteils pendant plusieurs secondes, tandis que la roue était dessus.

Le conducteur qui m’a heurté m’a offert, plusieurs fois, de me mener à l’hôpital. Si j’avais appelé l’ambulance et les secours avaient trop tardé, le gars aurait répété son offre et insisté jusqu’à ce que je l’accepte ou pique une colère de tous les diables que j’aurais regrettée après. Inquiet mais non désireux d’aller attendre le reste de la journée, la soirée, la nuit, à l’hôpital, et surtout pas envie du tout de monter dans la voiture avec le gars qui venait de m’écraser le pied, je suis reparti pour faire ma commission.

Je ne me sentais pas bien, j’avais le coeur qui battait, j’avais l’impression d’être au bord de la syncope. Mon pied pourtant n’était plus engourdi, mes orteils pouvaient bouger, je sentais le sol sous mes pieds si bien que les connexions nerveuses semblaient intactes, alors il n’y avait pas de raison physique que j’aie un malaise. Avant d’en venir à la perte de conscience, je pris de grandes respirations et parvins à me ressaisir. Si le malaise avait persisté ou empiré, j’aurais été obligé de m’asseoir quelque part le temps que ça passe, mais je n’en suis pas arrivé là.
En chemin de la pharmacie vers chez moi, mon pied a commencé à chauffer un peu. De retour chez moi, j’ai mis du froid dessus pour prévenir l’enflure. J’ai utilisé pour cela un pack de gel que j’avais employé lors d’un traitement contre une tendinite voilà plusieurs années. J’ai aussi constaté que du côté gauche de mon orteil droit, le plus touché par la roue, il y avait un spot foncé, plus noir que mauve. Je me suis demandé si des vaisseaux sanguins avaient été brisés dans le pied, sans que ça ne transperce la peau. Cela pouvait se transformer en grosse prune qui aurait fait super mal, au moment de marcher ou juste au repos. Mettre du froid m’a semblé un bon moyen de réduire les risques que ça arrive, ou au moins réduire un peu la taille de la prune. Je tâchai aussi de ne pas trop mettre de poids sur mon pied droit pour favoriser la coagulation et la guérison. Si ça avait craqué, ça aurait été une toute autre histoire. J’aurais été en souffrance, couché sur une civière, les anti-douleurs me soulageant à peine. Si ça avait saigné, aussi, ça aurait été bien pire, en raison du risque d’infection. Le reste de l’après-midi, j’ai eu du mal à travailler, ne cessant de penser à tout ça.

Deux jours plus tard, j’ai découvert que le noir sur mon orteil était du caoutchouc, soit du pneu, soit de ma sandale. J’ai pu l’enlever en frottant un peu. Il ne s’est pas formé de bosse. Pendant les deux semaines qui ont suivi, j’ai eu des petites douleurs dans le pied de temps en temps, mais rien de persistant et d’insupportable. Si je marche ou danse trop, par exemple au Piknic Électronik, des fois ça se met à faire mal un peu plus.

C’est seulement après que je me rendis compte du miracle qui s’était produit ce jour-là. J’aurais dû finir à l’hôpital, les orteils cassés voire broyés. C’est seulement après l’accident que j’ai pensé à mon été qui aurait été foutu le pied dans le plâtre, ça se pouvait même que je ne puisse plus rester chez moi, au 3e étage, que je doive retourner vivre chez mes parents le temps d’une longue et pénible convalescence. Ça aurait pu être la cheville qui pogne sous la roue, la jambe au complet, tout le torse avec des organes vitaux touchés. J’y ai pensé depuis ce 15 juin, et j’y penserai encore longtemps. Possible que si la voiture avait avancé de quelques centimètres de plus et c’était la grosse catastrophe. J’ai été bien chanceux et ça fait peur, peur que mon avenir de Montréalais, voire d’homme libre, tienne à la chance. Une collision de trop avec un véhicule et c’est l’hospitalisation sans fin, la paralysie peut-être même, c’est comme être en prison dans son propre corps. Bien entendu, ça peut aller jusqu’à la mort, ce qui est vraiment terrible.

Déjà, il subsiste une petite crainte chaque fois que je traverse une rue depuis cet événement. J’imagine à peine comment me faire casser de quoi aurait pu me paralyser complètement de peur. Il m’arrive des fois de penser que vivre en ville pourrait devenir trop dangereux, me forçant à me déplacer le moins possible. Je ne peux qu’espérer ne pas en arriver là, mais je ne peux cesser d’y penser complètement.

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